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La série Glimpse
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GLIMPSE 9
Le Collectionneur
Critique par Victor Westman
La réalisation de son premier long métrage de fiction, The lost door, n’empêche pas Roy Stuart de poursuivre sa collection de Glimpses avec un nouvel opus, le neuvième de la série. Collection est bien le mot : hétéroclite et baroque, comme en un cabinet de curiosités. Ici, l’ordre des scènes importe peu. L’unité organique de l’ensemble est assurée par ce qu’il faut bien appeler la topique stuardienne. L’appartement haussmannien; les rues du quartier ; quelques villes européennes : autant d’éléments appartenant à l’espace obligé de sa dramaturgie. Le spectateur y retrouve quelques modèles déjà aperçus, des situations récurrentes se succédant de chapitre en chapitre et que sépare un sobre fondu au noir. L’action, en l’occurrence, retrouve les grands figures du cinéaste : masturbation au fauteuil, urologie, sexe sur le tapis ou dans les bois, semi exhibition dans la rue. Pas de récit – ou si peu – mais un enchaînement de l’ordre de la représentation, tant l’impression est forte pour le spectateur de se retrouver en terrain connu.
Est-ce à dire que le cinéaste se répète ? Ce n’est pas si simple. Tout se passe comme si, en poète formaliste – ou en dramaturge classique - , Stuart cherchait à inscrire dans un cadre rigide la liberté inaliénable du sexe, son credo depuis toujours. Le principe même de la série suppose la répétition, mais ce sont alors les infimes variations qui nous intéressent. Par exemple, Stuart n’hésite pas à mettre en scène l’homme portemanteau (inversant les codes de la pornographie machiste) et la beauté du black, son corps parfait épinglant littéralement sa partenaire. On retiendra aussi la scène étonnante où une fille prononce le compte à rebours (« sept, six, cinq, quatre, trois, deux, un ! ») de l’éjaculation, une manière de contrôler – voire de programmer - l’explosion… Tour à tour les visages sourient, s’assombrissent ou se contractent, il n’y a pas de règles sinon celle de jouir.
On ajoutera qu’avec ce neuvième Glimpse ce ne sont pas seulement une esthétique et une éthique qui s’imposent définitivement mais un véritable esprit de corps. S’il y a théâtralité, c’est aussi que nous retrouvons à proprement parler une « troupe » : Suart lui-même, ses acteurs fétiches (malgré quelques nouveaux venus), une équipe technique, du matériel qu’on ne dissimule pas.
Le spectateur sera séduit par ces moments furtifs où, dans la bonne humeur, le groupe se rassemble après une prise. Si Stuart choisit de nous montrer le backstage, c’est qu’il témoigne aussi du plaisir qu’il y a faire un Glimpse. Il nous dit que derrière la sophistication d’un dispositif scénique (l’amour au trapèze par exemple) se trouve la réalité d’un moment heureux passé ensemble. N’est-ce pas au fond ce que collectionne aussi Stuart ? Avant qu’elles ne tombent dans l’oubli, la trace des heures passées à travailler tout en se faisant plaisir.